Adapter l’éclairage au développementde la vision des enfants

Selon une récente étude, seulement 15 % du parc des locaux tertiaires ont renouvelé leur éclairage et, pour deux tiers des surfaces, l’arrêté du 3 mai 20072 n’est pas respecté. Pire, cette non-conformité s’élève à plus de 90 % dans les locaux inférieurs à 1 000 m². Or, les crèches, plus que les établissements scolaires du primaire, comptent majoritairement de telles surfaces. Et pourtant, avec les écoles maternelles, ils prennent en charge les enfants à l’âge auquel se développe, de façon définitive, leur vision. Dr Christophe Orssaud, animateur du collège santé de l’AFE alerte à propos d’un éclairage inadapté au début et à la fin de la vie.

Les besoins et, surtout, les risques connus, liés à un éclairage inadapté, peuvent être causes de problèmes non négligeables aboutissant à des difficultés scolaires3. Il en est de même à l’autre extrémité de la vie, les personnes âgées ayant également des besoins spécifiques en matière d’éclairage, qu’elles vivent en Ehpad ou qu’elles restent à leur domicile tant que leur état de santé le leur permet. En effet, il est également essentiel d’aborder le problème de l’éclairage domestique plus difficile à réglementer. « Souvent déficient, il n’est pas sans poser des problèmes divers », manifeste le Dr Christophe Orssaud. L’AFE a rédigé plusieurs fiches ou brochures dans lesquelles sont rappelés les fondamentaux devant guider les choix et les approches en matière d’éclairage dans ces différents lieux de vie. Cependant, il n’est pas inutile de revenir sur ces données dont sont malheureusement exclues les crèches publiques ou privées. De plus, des correctifs peuvent être apportés en raison des évolutions de certaines pratiques éducatives, tel que l’emploi fréquent de tableaux informatiques, d’une meilleure connaissance du rôle bénéfique de la lumière du jour à tout âge et de l’emploi systématique des sources Led.

Les crèches… où se forme la vision

Dans les zones urbaines, de plus en plus d’enfants passent leurs premières années en crèche avant d’intégrer l’école maternelle. Il faut rappeler que l’entrée en primaire se fait vers 6 ans en moyenne, âge auquel une grande part de développement visuel (acuité visuelle, sens du relief, apprentissage des couleurs…) est d’ores et déjà définitivement terminée. Une attention toute particulière doit donc être portée à l’éclairage de ces locaux pour permettre une mise en place harmonieuse de la fonction visuelle chez l’enfant plus jeune, en rappelant également le rôle primordial de l’expérience visuelle. Actuellement, l’éclairage des crèches est suffisant pour permettre un développement harmonieux du système visuel de l’enfant. Il faut rappeler, d’une part, l’importance de privilégier la lumière du jour, et, au mieux, la réalisation d’activités extérieures (avec port de lunettes de soleil dès que la luminosité est trop importante), pour diminuer les risques d’évolution vers la myopie. Cette lumière naturelle est également la plus adaptée à l’apprentissage des couleurs. Si non, il faut que le rendu des couleurs soit le plus élevé possible pour ne pas créer de perturbation du sens chromatique4. D’autre part, il faut veiller à ce que les sources lumineuses ne soient pas dirigées directement vers les yeux des enfants, quelle que soit leur position (assise, dans un transat ou allongés dans un berceau…). C’est pourquoi il semble préférable d’adopter des éclairages indirects, dirigés vers le plafond plutôt que vers le bas lorsque la place manque. Un tel système permet une plus grande modularité des pièces au cours de la journée.
Il est également déconseillé de plonger les enfants dans le noir complet lors de la sieste. Les laisser dans une certaine pénombre évite de désynchroniser leur horloge interne et de différencier ce temps de repos du sommeil de nuit. Enfin, comme à tout âge, les sources d’éblouissement doivent être évitées. Mais celles-ci ont sans doute un effet moindre à cet âge et ne concernent que les surfaces sur lesquelles jouent les enfants. Là encore, un éclairage indirect est intéressant.

Ci-dessus. Dans les crèches, l’éclairage artificiel et la lumière naturelles jouent un rôle primordial dans le bon développement de la vision de l’enfant. Dr Christophe Orssaud rappelle qu’un éclairage défectueux a un retentissement sur les apprentissages puisque les informations sont mal perçues, incomplètement ou avec une fatigue diminuant les capacités attentionnelles pour le reste de la journée.


NDLR. Dans les établissements scolaires, l’éclairage est essentiel pour permettre aux élèves de bien voir le contenu du cours, surtout depuis l’utilisation plus intensive des écrans informatiques et des tablettes, tous supports sensibles aux phénomènes d’éblouissement. Nous ne traitons pas ce sujet dans cette édition.

Éclairage des établissements scolaires

La pandémie myopique est un problème de santé publique mondial5. Celle-ci est probablement multifactorielle avec une part importante liée à l’utilisation des appareils informatiques en vision de près et des rythmes scolaires parfois trop denses. En revanche, il a clairement été démontré, là aussi, que le bénéfice du recours à la lumière naturelle. Plus encore, les activités extérieures limitent la croissance du globe oculaire et agissent donc sur l’émergence ou l’aggravation de la myopie. L’architecture des locaux doit donc intégrer des baies vitrées permettant le recours à cet éclairage naturel.
« D’autres défis se posent », poursuit le docteur Christophe Orssaud. D’une part, il faut éviter que cette lumière ne réchauffe trop la classe durant les périodes les plus chaudes. D’autre part, il faut éviter, à certaines heures du jour, les phénomènes de réverbération et/ou d’éblouissement lorsque la lumière est dirigée sur des appareils informatiques ou sur le tableau numérique remplaçant le traditionnel tableau noir. Des stores occultants ou des vitrages intelligents et athermiques peuvent pallier ce problème car il n’est pas toujours possible de placer les enfants perpendiculairement aux fenêtres. De plus, l’impact des différents filtres anti-réverbération sur la freination de la myopie n’est pas connu.
Nous avons déjà évoqué l’importance de lutter contre l’éblouissement qui rend difficile la prise d’informations sur le tableau et/ou un écran et qui peut être induit par un éclairage artificiel. Les systèmes actuels d’éclairage Led avec diffuseurs doivent permettre de minimiser ce risque en tenant également compte de leur emplacement. L’utilisation d’éclairages intelligents, modulant les températures de lumière en fonction de l’heure et des activités est sans doute moins importante que dans les bureaux, les activités scolaires et périscolaires dépassant rarement 18 heures en primaire6. Cependant, dans un souci manifeste d’économie d’énergie, il faut que les éclairages puissent être désactivés automatiquement lorsque les locaux sont vides.


Dans l’école maternelle de Lengnau, en Suisse, conçue l’agence Fahrni Partner Architekten, au bois de l’architecture s’ajoute un éclairage diffus assuré par plafonniers Sono et les suspensions Mino 60 Curve de XAL.

L’éclairage est primordial pour la formation des enfants

Il est assurément important de travailler et promouvoir le renouvellement du parc d’éclairage dans le domaine tertiaire, pour des questions évidentes d’économie d’énergie et de dépenses publiques. Il est également essentiel que les enfants puissent apprendre dans des conditions optimales. « Nous avons souligné les inconvénients pouvant être dus à un éclairage défectueux », conclut le Dr Christophe Orssaud. Cela a un retentissement sur les apprentissages puisque les informations sont mal perçues, incomplètement ou avec une fatigue diminuant les capacités attentionnelles pour le reste de la journée. L’enfant est alors dissipé et ne suit plus, pouvant même gêner ses camarades. Mais, à côté de cette modernisation et mise aux normes du parc public, il serait utile de travailler également sur l’éclairage domestique. Rappelons que les enfants d’âge scolaire passent environ 32 à 35 heures à l’école hors des périodes de vacances. Mais ils passent beaucoup plus de temps à jouer à la maison, notamment lors des congés et le week-end.

Qu’en est-il à propos de l’éclairage domestique ?

C’est le grand oublié des normes (inapplicables) et des recommandations (souvent trop coûteuses ou inadaptées). Un grand débat avait eu lieu dans les années 2000 pour savoir si les veilleuses pouvaient rendre myope les enfants. Ceci montre l’importance de cet éclairage domestique sur le développement des enfants au sens le plus large, et sur la vision entre autres. Or, le placement des sources lumineuses et leur qualité (en termes d’intensité, température de couleur, rendu des couleurs…) ne sont pas toujours optimaux.
Ceci est rendu compliqué par le fait que ces sources lumineuses tendent à être polyvalentes dans les chambres ou le salon pour les jeux, les devoirs et les activités précédents les coucher. Dr Christophe Orssaud rappelle, à ce propos, les balises « 3-6-9-12+ » concernant la possibilité d’avoir un appareil informatique chez l’enfant et la nécessité impérative d’arrêter tout usage de l’écran au moins 2 heures avant le coucher, valables aussi pour les parents. Enfin, contrairement à ce qui a été dit précédemment pour la sieste, le sommeil nocturne ne se conçoit que dans une pièce totalement sombre, sans source lumineuse tant extérieure (volets fermés et rideaux tirés) qu’intérieure (veilleuse au-delà de l’endormissement…).
Le problème est tout aussi complexe au niveau des personnes âgées à domicile. Les accidents domestiques et les chutes sont généralement dus à un mauvais éclairage. Les sources lumineuses délivrent une intensité trop faible compte tenu des besoins liés à l’âge (plus important que ces personnes étaient âgées entre 50 et 60 ans…) : trop de rideaux aux fenêtres empêchent la lumière naturelle d’entrer ; les obstacles (tapis, meubles…) qui compliquent la situation ; les zones sombres dans la cuisine qui rendent difficile l’usage d’ustensiles coupants et la reconnaissance de comprimés sur leur seule couleur mal perçue. Jacques Darmon et Dr Christophe Orssaud.

À l’autre extrémité de la vie… les Ehpad
Le vieillissement modifie la qualité de la vision. Il existe donc un besoin plus important de lumière permettant d’effectuer les mêmes tâches que pour les plus jeunes, l’acuité visuelle diminuant, en l’absence de toute pathologie, au-delà de 80 ans. Cette diminution, associée à un voile grisâtre estompant les couleurs, est majorée par les différentes situations pathologiques : cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire… C’est pourquoi des niveaux lumineux plus élevés doivent être apportés dans tous les locaux où les personnes âgées ont des activités. Mais, paradoxalement, le risque d’éblouissement est également plus important à cet âge et une lumière trop élevée constitue un facteur de risque de dégénérescence maculaire, notamment après chirurgie de la cataracte. Il faut donc étudier un dosage reposant sur une étude précise des lieux de vie. De plus, pour la qualité de vie, il faut éviter les températures de couleur trop basses qui ne sont pas agréables et privilégier des teintes plus chaudes en s’aidant de la couleur des murs. Enfin, le risque de chute est majoré le soir et la nuit. Il importe donc que les zones de déambulation soient clairement identifiées, permettant de repérer les obstacles mais sans risquer de retentir sur l’endormissement. C’est pourquoi, cet éclairage doit être placé un peu au-dessus des plaintes. Il est alors bien vu sans atteindre les yeux des résidents.
  1. Étude Ademe/Ceren sur la période 2020-2022.
  2. Arrêté du 3 mai 2007, modifié en mars 2017, et applicable depuis janvier 2018.
  3. Il faut également insister sur l’importance du dépistage scolaire des troubles réfractifs et oculomoteurs, en rappelant le risque
    de survenue d’une myopie.
  4. Environ 10 % des garçons présentent des troubles congénitaux
    du sens chromatique et perçoivent mal certaines nuances sans être dyschromates (ou daltoniens). La perception des nuances chez ces garçons est encore plus difficile si le spectre lumineux projeté est incomplet.
  5. Des études ont montré que près de 50 % de la population jeune serait myope dans les années 2050, et parfois myope fort, ce qui représente un risque de malvoyance pour cette population à moyen terme.
  6. Dans le secondaire, le risque lié à une lumière trop froide et/ou riche en bleu sur l’endormissement est principalement lié
    à l’utilisation de l’informatique soit pour les devoirs, soit pour
    se connecter aux réseaux sociaux.

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