FRANÇOIS DESGARDIN (NEXITY)
Le 6 décembre dernier, à l’occasion de la présentation des nouvelles offres Énergie IP , Acome a expliqué la nécessité de faire évoluer la manière de construire les bâtiments. À la fois plus économes en énergie et plus bas carbone, intégrant de plus en plus de technologies, se développent ainsi de nouvelles solutions Smart Building. François Desgardin, directeur des nouvelles offres et de l’innovation du Groupe Nexity, y a apporté son témoignage, illustré par le concept « Essentiel ».
« Aujourd’hui, dans tous les métiers de services complétant notre offre initiale, nous ne nous impliquons pas uniquement dans la création neuve d’un bâti, mais aussi dans sa vie dans le temps », introduit François Desgardin. Ce qui signifie que l’objectif initial du groupe, qui se limitait à construire le plus vite et le mieux possible un bâtiment, consiste, à présent, à « s’impliquer dans la vie du bâtiment ». C’est ce que l’on appelle un « opérateur immobilier global ».
Si un bâtiment entraîne des coûts à la construction, il en est de même au niveau de son exploitation et de sa gestion. « Aussi, essaie-t-on de démontrer, à nos clients investisseurs, que l’on les accompagne non pas dans une vision court-termiste, mais dans une vision à long terme où l’on ne se limitera pas une opération de construction et de réhabilitation, mais aussi à l’exploitation au quotidien », poursuit François Desgardin pour lequel cette évolution, qui enrichit le métier de promoteur, oblige à s’interroger. Comment le bâtiment livré, et le quartier dans lequel il est implanté, vont-ils vivre dans la durée ? Quelles solutions doivent être mises en œuvre autour de ce patrimoine immobilier afin de monitorer le mieux possible le quartier, donc les flux, mais aussi le bâtiment et ses habitants ?
En 2013, Dietmar Eberle a construit, à Lustenau, en Autriche, un premier immeuble de bureaux sans chauffage, sans climatisation et sans ventilation mécanique. D’une superficie de 4 037 m2, il porte le nom de 2226 en raison de sa capacité à automatiquement maintenir une température comprise entre 22 et 26 °C.
S’ADAPTER AUX CHANGEMENTS RAPIDES
De manière générale, le marché tertiaire est en pleine ébullition, notamment après la crise de la Covid-19 qui a modifié l’usage des mètres carrés de bureaux. Cette crise, malheureusement complétée par le conflit en Ukraine, l’arrivée de la hausse des prix, une forme de rareté des matières premières… oblige à une nécessité absolue : « S’adapter à un monde qui change de plus en plus vite. » L’une des premières préoccupations des dirigeants français, ainsi que de leurs confrères et internationaux venant s’implanter en France, est de savoir comment les locaux vont s’adapter à leurs besoins. Or les besoins vont changer parce qu’il faut constituer des équipes de plus en plus fréquemment, voire les « démonter » aussi rapidement. Or dans un immobilier quelque peu fermé et pas très flexible, « comment les accompagner dans ce besoin de flexibilité », interroge François Desgardin en se disant convaincu que le bâtiment de demain doit être connecté et disposer d’une infrastructure télécoms robuste associée à du logiciel et à de l’intelligence.
L’idée n’est pas d’obtenir un bâtiment dans lequel le grille-pain fonctionne automatiquement. « Tout le monde s’en fiche », estime-t-il. L’essentiel consiste à optimiser la fréquentation d’usage des lieux. Par exemple, quel est le taux d’occupation des salles de réunion ? Comment les rendre disponibles le plus vite possible ?
« Le nerf de la guerre consiste à disposer d’informations en temps réel. » Précédemment, nous comptions environ 10 à 20 % de parties communes et 80 % de parties privatives. La tendance de fond conduit à de moins en moins de parties privatives et de plus en plus de parties communes. « Aussi, anticipe François Desgardin, le fait de bénéficier de la data intelligente et dynamique va permettre aux gestionnaires de l’actif de gérer à distance, et en temps réel, l’ensemble des espaces communs pour en optimiser la consommation. »
Pour les grands investisseurs, c’est pire encore puisqu’ils disposent de parcs comptant parfois de 100, 200 ou 300 immeubles. Pour optimiser la gestion de leurs équipes et fournisseurs, « ces solutions permettent de gérer, à distance, non pas un plateau mais plusieurs immeubles à la fois ». Ce qui évite, notamment, de multiplier des interventions générant de la consommation carbone. « On optimise ainsi le coût carbone global et favorise la capacité à prendre rapidement des décisions. Cette possibilité représente un enjeu majeur pour les propriétaires investisseurs », poursuit le directeur des nouvelles offres et de l’innovation de Nexity. C’est également un enjeu important pour le métier de Property Manager pour accompagner au mieux la gestion du parc. Ce sera d’autant plus vérifié dans un monde où les coworkers prennent de plus en plus de place sur le marché, évolution impliquant plus de mouvements. « Les entreprises vont donc de moins en moins gérer elles-mêmes leur immobilier pour le confier à des prestataires.»
Historiquement, dans les bâtiments, Nexity construisait trois réseaux : l’eau, le chauffage et l’énergie. L’arrivée du numérique fait que l’infrastructure télécoms devient absolument majeure. Par exemple, beaucoup d’évolutions se manifestent au niveau du stockage de la data. Auparavant, les sociétés disposaient de salles informatiques qui, ensuite, ont été « transférées » dans le cloud. À présent, se développe un phénomène inverse, les usagers se demandant s’ils ne doivent pas réintégrer une partie de la gestion de leurs données.
« Nous avons commencé à rendre cette donnée disponible, poursuit François Desgardin, car nous disposons des logiciels, notamment au niveau des GTB, sachant collecter de l’information dans le bâtiment, mais ayant du mal à la restituer. » Maintenant, les directions de l’immobilier disent aux propriétaires qu’elles ont besoin de cette data et elles demandent que les bâtiments soient équipés pour la collecter et la partager. Ce besoin pose questions au niveau de l’infrastructure. Quelle est la capacité de monitorer de plus en plus de données ? Quels sont les outils logiciels complémentaires à cette infrastructure pour partager la donnée et permettre à chacun de faire son métier ?
Cette tendance oblige à regarder au-delà des opérateurs historiques tels Véolia, Suez, Enedis, Engie, Dalkia, etc. « Quels nouveaux opérateurs vont émerger et nous aider à réfléchir aux nouvelles infrastructures, plus performantes, si possible moins coûteuses, et comment les rendre résilientes ? » Beaucoup d’infrastructures ont été conçues à l’époque de la 3G, puis avec la 4G, pour, déjà, prendre en compte la 5G. « En conséquence, il nous faut avoir la capacité de proposer des bâtiments évolutifs, toujours au top. » Qui plus est, en prolongement de cette recherche de technologie intelligente, s’ajoute l’absolue nécessité de mieux monitorer le carbone.« Aussi, constamment, il nous faut trouver la juste technologie ayant un effet sur le bilan carbone de l’actif. »
LA FRUGALITÉ DEVIENT « ESSENTIEL »
« La période actuelle nous oblige à être frugal pour bien vivre ensemble, souligne François Desgardin, en faisant attention à l’empreinte carbone. » Le secteur de l’immobilier étant carboné de manière importante, Nexity a pris l’engagement de suivre une trajectoire encore plus ambitieuse que celle décrite dans le rapport du GIEC.
Ce qui lui impose d’être très agressif, dans le bon sens du terme, pour chercher l’économie carbone. « Par exemple, on travaille sur des bâtiments dans lesquels nous tentons de ne plus installer de chaudière. Cette solution est rendue possible uniquement parce que le bâtiment dispose d’une infrastructure intelligente et d’outils permettant de le monitorer », explique François Desgardin. Cette année, à Lyon- Confluence, Nexity construit l’immeuble de bureaux Essentiel (photo ci-contre) appliquant le concept de l’architecte autrichien Dietmar Eberle. « Un bâtiment fonctionnant sans chaudière, mais pas sans technologie », représentant un nouveau modèle de conception sobre en consommation énergétique et respectueux en termes de confort, de bien-être et de santé des usagers : forte qualitéd’isolation et d’optimisation de la lumière naturelle ; forte inertie intérieure; absence de ventilation mécanique, de climatisation et de chauffage dans les bureaux, tout en garantissant une température comprise entre 22°C et 26 °C ; gestion intelligente de la ventilation naturelle.
UN BOS DANS LE BÂTIMENT
De manière générale, toutes les solutions diminuant le coût de construction de l’actif, tout en apportant de l’intelligence, intéresse Nexity. « Bon nombre de Proptech1 affirment proposer une plateforme un peu magique permettant de répondre à plusieurs possibilités », constate François Desgardin. « C’est vrai, sauf que cette plateforme a besoin d’un BOS (Building Operating System), capable de “monter” de la data. Vous pouvez disposer du meilleur logiciel du monde, s’il n’est pas alimenté de données, il ne fonctionnera pas. » La question essentielle consiste donc à disposer d’une infrastructure collectant la donnée et assurant de la remonter. « Les solutions Énergie IP le permettent, estime- t-il, car, dans un même conducteur, elles transportent de l’électricité et de la data. » Avec cette technologie2, les outils de monitoring permettent de suivre la consommation des occupants en temps réel. Il devient aussi possible de détecter à distance la présence de personnes dans les locaux, d’éteindre les lumières ou de baisser la température du chauffage.
Toutefois, là aussi, une démarche pédagogique s’impose pour le faire comprendre. En effet, quand arrive une innovation il est normal qu’il y ait de la défiance. « Doucement mais sûrement, nous démontrons que cette solution fonctionne, d’autant plus qu’apparaissent les premiers bâtiments équipés avec cette technologie. »
JD
1 Résultant de la contraction de property et de technology, le terme proptech désigne les start-up de l’immobilier.
2 Rappelons qu’il s’agit de la technologie PoE (Power over Ethernet).